Une entreprise de tissage de lin traditionnelle mise sur la digitalisation ainsi que sur un service complet: Stephan Hirt, CEO de Schwob, explique comment son entreprise planifie l’avenir grâce à la digitalisation. Il nous dévoile également toute l’importance du toucher dans un monde plus connecté que jamais.
Stephan Hirt, comment garantissez-vous la compétitivité de votre entreprise de tissage de lin à Berthoud, dans le domaine de la production textile en Suisse?
On distingue trois aspects: premièrement, nous produisons également de petites quantités, par exemple des lots de 200 nappes, sets de table ou serviettes. En effet, les hôtels en Suisse sont nettement plus petits qu’à l’étranger. Deuxièmement, nous nous distinguons par notre rapport qualité/prix: nos prix correspondent à la qualité produite.
Et troisièmement, notre service constitue une réelle valeur ajoutée. Nous accompagnons nos clients sur place. Pour ce faire, nos collaborateurs du service externe se rendent partout, même dans les endroits les plus reculés de Suisse, aussi bien dans les hôtels que dans les restaurants et même dans les résidences pour personnes âgées, afin d’analyser les besoins pour pouvoir recommander le produit le plus adapté à la situation. Nous ne laissons pas nos clients se débrouiller seuls avec une boutique en ligne. Ils risqueraient d’acheter quelque chose qui ne répond pas à leurs besoins.
La fonctionnalité revêt également une importance capitale. Il ne s’agit pas seulement de proposer une housse de couette de qualité, mais aussi un garnissage de la couette et de l’oreiller ainsi qu’une housse de matelas et une taie d’oreiller qui répondent aux mêmes exigences. Tous ces éléments sont décisifs pour assurer une nuit agréable à ses hôtes.
Quel est le rôle de la communication mobile dans votre quotidien professionnel?
Lorsque nous sommes en déplacement, nous emportons des échantillons de tissus. Mais de nombreuses informations, comme l’historique d’un client, sont téléchargées sur place par les collaborateurs de la vente, depuis le système vers leur smartphone ou leur tablette. C’est pourquoi nous devons absolument disposer d’une bonne couverture, jusque dans les coins les plus reculés de la Suisse, comme nous l’offre Swisscom. C’est dans ces moments-là que les textiles tangibles, réels, rencontrent le monde numérique.
Que représente la digitalisation pour une entreprise traditionnelle comme Schwob?
La digitalisation est un moteur qui nous offre de nouvelles opportunités. Je vais parler de nos cinq blanchisseries, et en particulier de la blanchisserie la plus récente et la plus moderne de Suisse, que nous avons mise en exploitation au printemps 2023 sur le site de Härkingen. Lorsqu’un camion d’un hôtel livre un mélange de linge de lit, de table et de toilette mélangé, chaque article est traité différemment. La serviette éponge n’est pas lavée de la même manière qu’une nappe ou qu’une housse de couette. Le linge à traiter est numérisé afin de sélectionner le processus de lavage correspondant pour chaque article. Et à la fin, le linge propre arrive sur un tapis roulant, prêt pour l’expédition. Chez le client, tout est à nouveau trié sans qu’un seul article ne manque à l’appel, bien qu’ils aient tous suivi des parcours complètement différents.
Quels défis devez-vous relever en matière de numérisation?
Il y en a plusieurs, naturellement. Tout d’abord, nous devons d’ores et déjà maîtriser les processus dans le monde réel avant de les adapter au monde numérique. Ainsi, nous numérisons chaque jour un peu plus notre activité.
Un exemple de processus de numérisation simple chez nous: grâce à l’e-dossier, nous avons numérisé et archivé de manière centralisée les dossiers des collaborateurs de nos six sites afin que le service RH y ait accès partout. Un projet de digitalisation est actuellement en cours pour la gestion des créanciers, qui devrait nous épargner à l’avenir beaucoup de travail, compte tenu de la quantité de factures que nous avons à traiter sur chaque site.
Mais le défi fondamental réside dans le fait de concevoir un processus qui réponde à nos besoins avec les solutions digitales disponibles actuellement. Nous ne voulons pas adapter l’ensemble du processus à cause du logiciel, ni chercher une solution individuelle à chaque fois. Le grand défi en matière de digitalisation consiste à répondre à des exigences individuelles à l’aide de solutions standard, grâce à un dénominateur commun.
Travaillez-vous actuellement sur un nouveau projet de digitalisation?
Il est important d’avoir une vision à long terme. Nous utilisons pour l’instant un ERP avec SAP. Dans les blanchisseries, nous avons toutefois besoin d’une solution ERP personnalisée, spécialement conçue pour ces sites. En effet, leurs besoins sont très différents de ceux de la production textile. C’est le projet sur lequel nous allons nous concentrer dans les années à venir.
Cela soulève des questions sur les interfaces avec SAP, sur les processus de bon de livraison, des factures, etc. Actuellement, le défi réside dans le fait de trouver le produit qui corresponde précisément à nos besoins.
C’est très important, car les blanchisseries sont le moteur de Schwob AG. Nous lavons plus de 50 tonnes de linge chaque jour, soit environ 12 000 tonnes par an. Et les optimisations de processus au niveau numérique assurent un retour sur investissement beaucoup plus rapide. C’est pourquoi nous devons agir sur ce point afin d’améliorer toujours plus la rentabilité de nos blanchisseries.
La digitalisation a également des répercussions sur les collaborateurs de la blanchisserie et de l’usine de tissage. Comment impliquez-vous les collaborateurs?
Prenons l’exemple des blanchisseries. Les terminaux de commande et toutes les informations doivent être exploitables indépendamment de la langue. En effet, les collaborateurs de nos blanchisseries viennent du monde entier. Nous ne pouvons pas nous contenter de tout écrire en allemand. Nous devons donc intégrer des outils visualisation et des processus simples à l’aide de la digitalisation.
Ici, le thème de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée entre en jeu et avec lui la question suivante: comment conserver à l’avenir la forme et la structure des postes de travail, dans le contexte de la digitalisation, pour que le système fonctionne avec les collaborateurs existants et que l’homme et la machine travaillent en harmonie?
Voyez-vous un potentiel en matière d’IA générative dans votre entreprise? Si oui, où?
Je l’envisage surtout pour le traitement des gros volumes dans les blanchisseries. Des systèmes commencent à se mettre en place, avec un chariot à linge qui bascule sur un tapis roulant avant qu’un système de caméra combiné à une IA procède au tri des articles de façon entièrement automatisée.
On installe également des robots pour décharger les collaborateurs des tâches plus physiques comme le pliage des tissus. Grâce à la solution d’IA intégrée, le robot sait comment traiter les différents matériaux. S’agit-il d’un peignoir ou d’une serviette? Dans quelle station de lavage chacun des articles doit-il aller?
J’y vois une solution permettant de soulager considérablement le personnel tout en gagnant en productivité. Un robot travaille 24 heures sur 24, ce qui améliore notre productivité. Ces solutions renferment un énorme potentiel.
L’IA générative pourrait également permettre aux employés de bénéficier des guides, des manuels d’exploitation et autres dans leur propre langue. C’est donc un sujet qui vous intéresse?
Tout à fait, notamment en matière de confection, à l’atelier et pour une partie du tissage. Par exemple, lorsque nous expliquons que l’ourlet fait deux centimètres de large avec une certaine couture, tout le monde ne comprend pas les termes de la même manière. Il nous a donc suffi d’afficher les traductions des principaux termes techniques. Je vois là un réel potentiel pour l’IA générative.
On pourrait aller plus loin, pourquoi pas avec des lunettes de réalité virtuelle? Elles traduiraient toutes les instructions devant la machine et expliqueraient la marche à suivre aux collaborateurs. L’entretien et la révision de routine de ces installations est un sujet majeur, surtout dans le domaine de la blanchisserie. Si les installations ne fonctionnent pas en raison d’erreurs de manipulation, cela se traduit par une augmentation des coûts ou des heures de travail.
Swisscom, votre partenaire sur le chemin de la digitalisation
Utilisez la digitalisation dans votre PME pour contrer le manque de main-d’œuvre qualifiée et la pression sur les marges et pour augmenter l’efficacité. Swisscom vous soutient dans cette démarche et vous aide à saisir les opportunités actuelles et futures de la digitalisation.
Sans informatique, tissage et blanchisserie ne fonctionnent pas. Où voyez-vous les défis en matière de cybersécurité?
Je pense que c’est un sujet qui préoccupe toutes les PME. Il s’agit toujours de définir ce que nous pouvons faire nous-mêmes en matière d’informatique, et où trouver un partenaire qui comprend nos besoins. Nous travaillons avec une entreprise qui dispose des ressources et du savoir-faire nécessaires pour nous aider en cas de problème. Il est évident que les systèmes informatiques présentent de nombreuses portes d’entrée pour les cybercriminels.
Nous n’attirons peut-être pas autant leur attention que d’autres entreprises, mais le risque est latent et menace également les collaborateurs eux-mêmes. Nous organisons également des formations de sensibilisation. Mais même si nous faisions des formations tous les jours, il y aurait toujours un risque quelque part. C’est pourquoi notre approche consiste à sensibiliser, à faire appel au savoir-faire d’entreprises informatiques externes et ce, en association avec des collaborateurs qui contribuent à cet effort.
Votre entreprise est fortement ancrée dans le monde «analogique», physique. Qu’est-ce que ça signifie pour vous?
J’aime à dire qu’à côté du monde numérique, le monde réel parle aussi aux gens. Ils le ressentent vraiment. Être au lit dans une chambre d’hôtel, c’est une expérience universelle, un moment où on se sent en sécurité. Je pense qu’il est essentiel que nous insistions sur ce point. Nous, les humains, avons tous accès très rapidement à ce monde tangible et réel. Cela fait partie de l’ADN de notre entreprise. Je voudrais que nous y accordions à nouveau plus de valeur. Et qu’en tant qu’hôte, nous posions la question au restaurateur ou à l’hôtelier: «Pourquoi ne pas utiliser du joli linge de table en tissu, beaucoup plus durable (car le lavage correspond à un recyclage, alors que le papier génère des déchets) ou une serviette en tissu doux plutôt qu’en papier?» Au final, c’est ce qu’il y a dans l’assiette qu’on paie. Mais ça ne coûte rien de donner un peu plus d’importance à ce qui se trouve aussi sous l’assiette…
À propos de Schwob AG
Schwob AG développe et produit depuis 1872 des textiles de haute qualité dans son propre atelier de tissage à Berthoud (BE) pour des clients du monde entier. Sous la direction du CEO et copropriétaire Stephan Hirt, l’entreprise familiale fournit chaque jour un service de location et d’entretien complet du linge à des centaines de clients de l’hôtellerie, de la restauration, des cliniques et des résidences. Les 5 blanchisseries Schwob et les 30 blanchisseries partenaires locales fournissent aux entreprises clientes une offre de services unique qui fait partie intégrante d’un processus complexe. Schwob AG a décroché la troisième place à l’occasion du Prix SVC Espace Mittelland 2025, sponsorisé par Swisscom.