Interview avec l'expert Balz Gut, responsable Banking Transformation

«Aujourd’hui, ne pas progresser, c’est reculer!»

Le tournant numérique est un défi croissant pour le secteur financier. Des stratégies novatrices sont exigées. Balz Gut, responsable Banking Transformation chez Swisscom, nous explique les tendances attendues sur le marché bancaire suisse et comment les établissements financiers peuvent s’y préparer.

Texte: Martina Longo, Interview: Alina Klaus, 

Monsieur Gut, votre division opérationnelle assiste et accompagne les banques dans leur transformation. Que faut-il comprendre par là?

Balz Gut: La transformation désigne le processus de changement continu visant une mutation profonde sur la durée. Dans le cadre de la transformation, une entreprise mène des réflexions fondamentales sur son ADN, à savoir par exemple sur les business models, la chaîne de création de valeur ou l’orientation stratégique. Point essentiel, la transformation doit tenir compte systématiquement du marché global ainsi que des tendances et des innovations pertinentes, bénéficier d’un large soutien en interne et se dérouler en adéquation avec la stratégie globale.

Nous accompagnons nos clients par une approche globale qui, si nécessaire, va au-delà du processus de changement. Notre soutien dans les domaines de l’observation du marché, de l’exploration des tendances et de la gestion des innovations s’étend du concept à la mise en œuvre concrète.

 

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Pourquoi les banques doivent-elles s’intéresser à la thématique de la transformation?

Les processus de transformation permanents et bien établis sont incontournables dans l’industrie financière en raison des développements rapides causés par la numérisation, la mondialisation et l’individualisation. Un tel processus doit tenir compte des changements induits par l’ère numérique et s’adapter en permanence aux marchés dynamiques, à la concurrence et aux besoins changeants des clients. «Aujourd’hui, ne pas progresser, c’est reculer!» Les prestataires de services financiers établis sont donc contraints de s’informer, d’innover et de se transformer. Les défis ne peuvent être relevés qu’avec une réelle disposition au changement.

Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels les banques sont confrontées aujourd’hui?

Le marché des services financiers vit un profond change: les paiements et le change de devises sont gérés de façon entièrement automatisée, de nouveaux concurrents développent des services à des coûts extrêmement bas et les proposent presque gratuitement aux clients finaux, et les taux d’intérêt négatifs ainsi que l’abondance de capitaux érodent les marges. Il existe aussi de nouvelles possibilités d’investissement, telles que le financement de start-up ou la négoce de devises numériques, qui requièrent de nouvelles connaissances et présentent un potentiel de risque plus élevé pour une même marge escomptée en raison de la faible expérience en la matière.

 

Chose importante à savoir, même si ces développements ne deviennent perceptibles qu’avec un certain décalage, ils pourraient bien mettre à mal, voire rendre obsolètes les actuels business models des prestataires de services financiers établis.

Comment les banques peuvent-elles réagir face à ces défis?

Elles doivent relever ces défis dès maintenant en élaborant des stratégies et en réagissant rapidement si elles ne veulent pas être dépassées, voire évincées par de nouveaux concurrents extérieurs au secteur. Elles doivent élaborer un plan clair pour aborder et gérer cette transformation devenue une nécessité absolue. En la matière, on distingue trois axes stratégiques essentiels: la transformation du business model, la transformation culturelle et organisationnelle, et la transformation de l’operating model et de l’IT.

Que signifie la «transformation du business model»?

La «transformation du business model» porte sur les questions fondamentales suivantes: à quoi le business model d’une entreprise doit-il ressembler dans l’avenir? Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif? Et comment la transformation doit-elle être mise en œuvre?

 

Typiquement, la transformation se déroule en trois étapes:

  1. Analyser: avant toute chose, il convient d’examiner le business model existant, de mener une analyse environnementale ou concurrentielle et de réaliser une évaluation interne des opportunités/risques.

  2. Innover: la deuxième étape consiste à déterminer le futur business model. Il s’agit de générer, d’évaluer et de sélectionner des idées, d’élaborer des concepts de solution et de définir les rôles.

  3. Transformer: le futur modèle d’exploitation et son plan de mise en œuvre vont être développés. Cette dernière étape vise à transformer le business model existant, à mettre en œuvre les modifications et à rendre opérationnel le nouveau business model.

Vous avez évoqué la transformation culturelle. Que faut-il comprendre par là et en quoi est-ce différent du «Change Management»?

D’une part, il s’agit d’ancrer la capacité de changement dans la culture de l’entreprise. D’autre part, des mesures organisationnelles doivent jeter les bases de la transformation continue du business model et de l’operating model. Le Change Management est quant à lui axé sur un projet unique, censé provoquer un profond changement transsectoriel.

À l’inverse, la transformation culturelle porte sur l’état d’esprit fondamental présent dans toute l’organisation d’une entreprise. L’enjeu crucial est d’apprivoiser la peur de la nouveauté chez les collaborateurs. En effet, une transformation durable n’est possible que si les collaborateurs s’identifient aux processus de changement et sont motivés à soutenir l’innovation.

Les notions de «transformation numérique» ou de «stratégie de numérisation» sont désormais à la mode. À juste titre?

Il est vrai que ces notions sont utilisées à toutes les sauces de nos jours. De mon point de vue, aucune entreprise n’est «numérisée», aucune transformation n’est purement numérique et il n’y a pas de stratégie de numérisation. Mais les nouvelles technologies peuvent accélérer, simplifier ou rendre possibles des projets de transformation.

Il appartient aux entreprises de voir comment elles peuvent tirer parti de ces nouvelles possibilités dans le cadre de leur stratégie globale. Cela peut être, par exemple, dans le domaine du «Customer Journey», dans l’offre de produits, dans la chaîne de création de valeur ou dans la mise à disposition de l’offre via des canaux numériques ou hybrides. La numérisation est toujours un moyen de parvenir à ses fins et non une fin en soi. Concrètement, il ne s’agit pas d’atteindre les seuls objectifs de numérisation, mais plutôt de se servir de la numérisation pour atteindre les objectifs commerciaux.


Portrait

Balz Gut est responsable de la division opérationnelle «Banking Transformation» chez Swisscom. Il s’occupe notamment de l’unité e.foresight, en charge de l’exploration des tendances, et du Swisscom Banking Consulting. Dans le cadre de ses fonctions, il suit les projets d’innovation des établissements financiers jusque dans les moindres détails et les soutient dans la mise en œuvre de leur programme de transformation. Il est en contact étroit avec les responsables de la numérisation dans les banques, mais aussi avec les professeurs d’université et les conseillers d’entreprise, et peut ainsi avoir une vue d’ensemble des tendances et des activités actuelles sur le marché bancaire suisse. 





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