Achim Baumstark, CTO d’Helvetia

«Le moment était venu pour le Public Cloud»

Le CTO d’Helvetia, Achim Baumstark, a décidé d’adopter une nouvelle stratégie informatique en misant davantage sur le Public Cloud et moins sur les développements internes. Au premier rang figurent les services de Swisscom.

Il y a trois ans, vous avez lancé une stratégie informatique globale pour Helvetia. Pourquoi était-ce nécessaire?

Achim Baumstark: À l’instar de nombreux assureurs, nous avions un paysage informatique fragmenté, obsolète et mal intégré. De nombreux éléments avaient été mis au point spécifiquement par Helvetia pour Helvetia. Nos possibilités de développement, de standardisation et de mise à l’échelle étaient dès lors limitées. Face à cette situation, nous avons élaboré trois axes prioritaires pour la stratégie.

Lesquels?

La première priorité concerne l’architecture, car il s’agit avant tout d’une consolidation. Nous adoptons ici une stratégie «Cloud-First» dans le Public Cloud. La deuxième priorité réside dans la flexibilisation au niveau du front-end. Les priorités commerciales sont clairement axées sur la proximité avec les clients et la commodité pour les clients. Nous développons désormais nos systèmes front-end dans le Cloud.

Peut-on également parler d’un changement culturel?

Oui, nous avons une forte orientation sectorielle. Cela se reflétait jusqu’à présent jusqu’au front-end. Nous avons quelque peu réduit la structure classique en profit d'une approche centrée sur le client. La troisième priorité concerne le Data & Analytics. Nous devons être en mesure de prendre en compte au bon moment et au bon endroit les données et les insights, qu’il s'agisse de processus décisionnels ou de personnalisations.

Dans quelle mesure l’entreprise était-elle impliquée dans l’élaboration de ces priorités? Ou s’agissait-il de décisions purement technologiques?

Il n’était pas question de technologies. Nous avons défini les priorités de manière à ce qu’elles permettent le développement de l’entreprise. Sans précisément savoir à ce moment-là quelles seraient les exigences et à quoi ressemblerait la technique. Et cela fonctionne: l’an dernier, nous avons redéfini la stratégie commerciale, et je n’ai pas eu besoin d’adapter la stratégie informatique, car grâce aux priorités mentionnées ci-dessus, elle avait déjà anticipé la nouvelle stratégie.

Buy before Make: une orientation importante. Quelles ont été les principales raisons qui vous ont conduits à ne plus tout faire vous-mêmes, comme par le passé?

Pour répondre, permettez-moi de revenir un peu en arrière. Nous structurons l’environnement applicatif dans un modèle de domaine simple. Au niveau supérieur, ce modèle dispose de seulement quatre parties: Front-end avec les clients et la distribution, Core avec les systèmes d’assurance de base, Cross avec les fonctions de groupe et Support avec ECM (Enterprise Content Management), Collaboration ou Analytics. À partir de ce modèle, nous avons déterminé où il existait un potentiel de différenciation pour nous. Comme évoqué ci-dessus, le Front constitue indiscutablement un domaine de différenciation par rapport à la concurrence, tout comme Analytics et Integration. Les domaines non différenciateurs doivent être considérés sous l’angle de l’efficacité. Autrement dit: nous misons ici sur des solutions standard. Buy before Make. .

Développez-vous toujours les domaines de différenciation en interne?

Non, là aussi, nous optons pour des solutions standard lorsque cela est possible. Mais nous sommes également prêts à développer nous-mêmes. Ainsi par exemple, nous développons une plateforme Container sur AWS, sur laquelle nous élaborons nous-mêmes tous les parcours d’une offre, c’est-à-dire la chaîne de processus depuis la demande d’offre d’un client. Il s’agit ici de la meilleure Customer Experience possible. Mais pour CRM (Customer Relationship Management), qui est implanté dans le même secteur, nous misons à présent sur Salesforce. Il s’agit-là d’un logiciel standard, que nous pouvons introduire et adapter très rapidement. Le principe directeur Buy before Make, nous ne l’utilisons pas de façon dogmatique, mais pragmatique.

Le secteur des assurances a longtemps été très conservateur sur les questions de sécurité informatique. Le changement de stratégie a-t-il été difficile?

Je suis arrivé chez Helvetia au moment propice. À l’époque déjà, la direction du groupe était convaincue que le statu quo n’était plus possible.

Le situation était suffisamment critique?

Oui. Il a toutefois fallu un travail de persuasion, notamment pour le cloud. C’est toujours un sujet à l’ordre du jour. Mais c’est précisément pendant la pandémie que nous avons constaté concrètement que le fait de miser tôt sur cette technologie avait été une excellente décision. Nous avons pu nous convertir au télétravail en un week-end sans subir de pertes.

Mais le passage au Public Cloud est plutôt révolutionnaire dans ce contexte. Qu’est-ce-qui a changé? L’offre des fournisseurs ou l’approche des assurances?

Peut-être que l’offre a quelque peu changé. Mais une chose est claire: en matière de sécurité, les très grands fournisseurs comme Amazon, Google ou Microsoft sont imbattables dans le Public Cloud. Les exigences dans ce domaine sont de plus en plus élevées. Avec mes quelques spécialistes sécurité, je ne pourrais jamais rivaliser. Il est vrai qu’il existe un risque lorsque l’on passe Public Cloud. Cela n’a toutefois rien à voir avec la sécurité, mais simplement avec le changement de système. Les spécialistes informatiques tout comme les équipes juridiques et d’audit ont encore énormément à apprendre.

Comment parvenez-vous à impliquer le personnel?

C’est difficile. Nous recherchons toujours des solutions offrant de bonnes perspectives à toutes les parties prenantes. Prenons un exemple. Nous avons décidé de ne plus rester sur Lotus Notes. Nous avons mis au point une transition permettant de passer du mode de fonctionnement actuel vers un futur mode de fonctionnement. Nous avons trouvé un fournisseur qui a repris notre ancien environnement Lotus Notes, avec l’ensemble de nos spécialistes, et qui a ensuite introduit, en commun avec nous, une nouvelle solution. Cela nous a permis d’une part de garantir une transition en douceur et d’autre part, d’offrir à nos collaborateurs des perspectives pour leurs compétences. C’est aussi ce que nous faisons par exemple avec Swisscom dans le domaine des réseaux et des pare-feux.

La formation continue n’est pas un sujet à l’ordre du jour?

Si, bien sûr. La gestion stratégique des compétences constitue même une priorité. Nous avons introduit une plateforme sur laquelle chaque collaborateur saisit ses compétences et où nous enregistrons les exigences requises pour les postes dont nous avons besoin. Nous pouvons ainsi discuter de manière ciblée avec les collaborateurs sur la façon de combler les lacunes au niveau de leurs compétences.

Et cela fonctionne?

J’étais très sceptique au départ, mais à présent, je suis totalement fasciné par les performances de cet outil. Il fonctionne à merveille, comme en attestent de nombreux exemples. Mais à côté de l’offre, cela exige aussi de la part des employés une grande disposition à s’engager dans un changement.

Le changement de stratégie dans le secteur des assurances est en grande partie induit de l’extérieur, par des prestataires externes à la branche ainsi que des start-up agiles. Qu’en est-il de votre stratégie à ce sujet?

Helvetia a créé un fonds de capital-risque pour investir dans des start-ups et profiter de l’état d’esprit et de l’évolution technologique.

Mais l’impulsion de l’extérieur fait déjà du bien à la branche…

Oui, tout à fait, nous avons besoin d’un moteur pour avancer. Cependant, Helvetia est comparable à un gros navire, dont l’inertie est considérable. Nous avons besoin de quelques vedettes rapides qui avancent plus vite. Avec Smile ou Moneypark, nous sommes très bien positionnés.

Au cours du processus Change, Helvetia a mis au concours de nombreux projets. Pourquoi n’avez-vous pas engagé une entreprise générale? Au lieu de cela, vous avez de nombreux interlocuteurs au lieu d’un seul.

Si un fournisseur vient me voir aujourd’hui en déclarant qu’il sait tout faire, je quitte la pièce. Ce n’est pas sérieux.

Cela vous est déjà arrivé?

Autrefois, de nombreuses sociétés étaient en quête du grand modèle. Mais elles n’ont jamais vraiment fonctionné et ont été un désastre coûteux. Nous essayons de ramener chaque thème à une dimension raisonnable et de trouver le bon partenaire.

Swisscom a pu acquérir certains de ces projets. Pourquoi?

Swisscom a longtemps été pour moi un partenaire difficile, car l’entreprise a voulu se développer elle-même en concurrence avec les très grandes entreprises technologiques. Selon moi, la Suisse et Swisscom sont trop petits pour pouvoir suivre à ce niveau l’évolution rapide des technologies.

Mais ce n’est plus votre impression aujourd'hui?

Non, Swisscom est aujourd’hui un très bon partenaire pour nous. Je dis bien partenaire et non pas fournisseur, car les gens de Swisscom réfléchissent en commun avec nous et nous montrent en quoi ils pourraient nous aider concrètement.

Qu’est-ce qui a été déterminant dans le choix de Swisscom?

Swisscom est très bien placée en matière de solutions standard. Nous assurons par exemple l’implémentation SAP on Azure avec Swisscom, et cela fonctionne à la perfection. C’est un fournisseur qui maîtrise la technologie, qui connaît les risques de la transition et qui nous aide à la réduire. J’apprécie énormément cette offre!


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